Le Prince persan (lundi, 22 juillet 2013)
Le Prince persan
Peur n’est pas mère de sûreté : elle n’a rien de commun avec prudence.
Au contraire, toute décision prise sous l’emprise de la peur nous jette dans la gueule du loup.
Il y a bien longtemps, un Prince persan vivait heureux dans son palais, à Ispahan.
Un matin, en se promenant au milieu de ses roses, il vit la Mort, sa faux à la main, qui semblait le guetter au détour de l’allée ; elle fit un geste qu’il prit pour une menace et disparut. Sans doute, à la place du Prince, aurions-nous eu aussi peur que lui, mais cette peur, il ne la domina point, il ne songea point à se dire que l’Esprit en lui le gardait de tout mal : il courut à ses écuries, fit sceller son meilleur cheval et s’élança à bride abattue droit devant lui : il s’agissait seulement de fuir la mort.
Il avait peur, qu’il avait donc peur !
Il galopa ainsi toute la journée, et se croyait déjà hors de danger, lorsque sur la route de Chiraz, à la nuit tombante, il vit soudain la Mort se dresser devant lui. Il s’arrêta, glacé de terreur.
Et la Mort lui dit :
« Te voilà enfin ! Tu es venu à moi ! Ce matin, lorsque je t’ai vu dans les jardins d’Ispahan, au milieu de tes roses, je n’ai pu retenir un mouvement de dépit, sachant que je devais te prendre ce soir sur la route de Chiraz. Je songeais : comment pourra-t-il être, en quelques heures, aussi loin de son palais ? Mais la Peur a travaillé pour moi : tu t’es précipité toi-même au rendez-vous… »
On donne souvent un sens erroné à cette légende : on y voit une preuve de l’inéluctable fatalité.
Or elle nous enseigne à ne point céder aux instances de la peur.
Neuf fois sur dix, par peur, nous sommes les artisans de nos malheurs.
C’est ainsi que mourut le Prince persan.
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